Grisons, Silvaplana
Me voici repartie pour une course par étapes. La deuxième de ma carrière après le Raid des Chemins du Soleil. Cette fois-ci par contre, il s'agit d'un défi individuel.
Vendredi 30 juin, prologue, 17,1km, 950m d'ascension
Vendredi matin, je me réveillle la tête dans les choux, le nez bouché et la gorge qui pique. Aïe !! J'ai dû chopper un virus à Singen. En plus, il fait froid, il a neigé toute la nuit, et je suis encore fatiguée de la dernière étape de la Trans d'avant-hier soir. Alors bon, je regarde autour de moi, je me dis que c'est un coin très beau, et que pour une fois, je vais me lancer avec un peu moins de pression et qu'on verra bien.
13h. Je quitte l'hôtel pour me rendre à St-Moritz, lieu du prologue. Une montée en contre-la-montre, avec départ toutes les 15 secondes, pour une ascension de presque 1000 mètres avant de plonger dans un magnifique flow trail.
Après un échauffement d'une 30aine de minutes, sans grande conviction, je me rends au départ. J'apperçois Cornelia Hug de l'autre côté de la route. Elle m'appelle, je fraîne, regarde vers elle et quitte le bord de la route. PATATRA. Je vole, percutée par le vélo qui me suivait de près, à grande allure. Atterrissage la tête sur la route, je reste au sol un peu sonnée. Les gens m'aident à me relever. Je reprends mes esprits, et me dit que décidément, c'est bien parti :-(
Portillon de départ, je m'élance 30 secondes derrière Katja Montani et 15 derrière Cornelia. N'étant vraiment pas fan des départ rapides, je me dis que je ne vais pas les voir très longtemps. Je ne me ménage cependant pas et suis assez surprise de les garder en visuel. Même mieux, je reviens progressivement. Je rattrappe Cornelia et nous passons Katja. Dans la deuxième partie de la montée, j'arrive m'échapper. Un sentier un peu plat, je garde mon avance. Nouvelle montée, je reviens presque sur Janine Schneider, une Allemande. Elle descend moins bien que moi, et je dois attendre un long moment avant de pouvoir la dépasser dans le single descendant. Cornelia en a profité pour recoller. Nous terminons roue dans la roue. J'ai donc 14 secondes d'avance sur l'étape. Comme la pluie se rapproche, je regarde arriver les autres Dames Elites mais ne perds pas trop de temps avant de rejoindre l'hôtel. C'est seulement à la remise des maillots de leader 2 heures plus tard que j'apprends que nous avons été battues par un avion de chasse parti bien plus tard. Kathrin Leumann me mets 2 minutes 19. Elle est spécialiste de distances plus courtes. Nous verrons ce qu'elle a dans le ventre sur du plus long demain :-)
Samedi 1er juillet, 2e étape, 75km, 2100m d'ascension
Réveil à 6h, déjeûner, préparatifs, petit échauffement et je me rends sur la ligne de départ à 8h45. 30 minutes avant le départ, c'est un peu tôt, mais c'est ce que les organisateurs nous demandent. Nous tournons un peu en rond pendant une vingtaine de minutes avant d'être appelé sur la ligne. Dernières instuctructions de sécurité avant de nous élancer.
Le départ est rapide. Je reste cependant avec le groupe jusqu'au début de la montée. Le tempo à l'avant s'accélère encore et je suis obligée de lâcher. Mon rhume ne m'aide pas à respirer. Je me retrouve rapidement à la 5e position chez les dames. Un gars chute sur le bord de la route pas loin devant moi. Il est mal en point. Je m'arrête pour essayer de l'aider. Finalement, deux autres monsieurs prennent le relais et je repars. Je suis 6e. Mais pas de panique. La route est longue et je sais que je reviens souvent sur la fin.
Les kilomètres passent. je roule avec un groupe de gars et Katja Montani. Nous revenons sur une concurrente qui a du mal et la passons. Nous avançons encore. Après une vingtaine de kilomètres, nous revenons sur la 3e dame. J'ai pris aujourd'hui mon vélo "tout suspendu". Je ne suis pas convaincue que le choix était judicieux, mais je tiens le change par rapport aux deux autres filles, malgré le kilo en plus. La grosse difficulté du jour vient après 45 kilomètres. Une énorme ascension de 800m de dénivelé, suivie d'une autre d'encore 400m. C'est très raide, difficile, mais j'arrive à partir devant et prendre un peu d'avance. A grand peine, j'arrive à garder cet avantage jusqu'au sommet. Grâce à mon vélo, je gagne encore un peu de temps à la descente.
Je m'accroche les 10 derniers kilomètres de descente et de plat, pour finalement arriver à Silvaplana en 3e position, avec 8 minutes de retard sur Cornelia et Katrin, mais 2 minutes avant Arina, la concurrente la plus proche derrière moi.
Bilan actuel : Katrin Leumann 5h37'49, Cornelia Hug +2'34'', Moi +10'40'', Arina +12'59'', Bettina +19'19''
Il faut donc juste que je ne m'écroule pas demain et je devrais monter sur le podium
Dimanche 2 juillet, 3e étape, 61,7km, 1825m d'ascension
La fatigue s'accumule au fil des jours. Mais c'est la dernière étape en nous devrions avoir encore une foi s de la chance avec la météo. Il ne fait toujours pas froid, et la pluie ne devrait pas tomber en abondance.
9h, départ. Je m'accroche pour rester dans le groupe de tête. Le but de la journée est certes de faire la meilleure course possible, mais surtout de ne pas perdre ma 3e place au général. A moi donc de garder les 9 minutes d'avance que j'ai sur Bettina. J'ai un peu de mal à me mettre en route, mais rien de catastrophique. Tout le monde semble en forme et le rythme est relevé. Nous sommes 6 filles dans un mouchoir de poche, Cornelia et Bettina légèrement devant. Le début de parcours s'avère beaucoup plus compliqué que ce à quoi je m'attendais, et je dois lutter pour rester dans le bon groupe. J'ai les idées encore claires et je parviens à ne pas me retrouver seule pour la portion de chemin plus roulante suivante. Il y a du tempo. Les autres filles lâchent progressivement et nous finissons par revenir sur les deux en tête.
2h30 de course. Nous sommes au point le plus éloigné du parcours. Il ne reste qu'à rentrer. Je suis toujours avec Cornelia et Bettina. Même si c'est dur, tout est sous contrôle. Mais mes forces commencent à me lâcher. Je perds petit à petit du terrain dans la seule longue bosse du jour. Et qu'est-ce qu'elle est longue ... sans fin ... je suis scotchée ... et le chemin se poursuit ...
A l'arrache, j'arrive au sommet d'un belle descente où j'espère reprendre des couleurs. Je redémarre en bas, mais ne vais malheureusement pas beaucoup plus vite. Cornelia est partie devant depuis longtemps, je ne vois plus Bettina, Katja revient et me passe, puis Janine. Malgré ma bonne volonté et tous mes efforts, je vois encore arriver Arina. Mais c'est le sommet. Nouveau chemin descendant, je reprends un peu d'avance. Cette fois, ça ne peut qu'être la fin !! Non, le chemin repart à la hausse, sentier à faire à pied. Un pas après l'autre ... Enfin ... Nous basculons vers Silvaplana. Je repasse Janine qui peine un peu techniquement et revient progressivement sur Katja. Il reste deux kilomètres. Je devrais juste avoir le temps de la rejoindre. Sauf que, ... moment d'inattention, je glisse sur le dernier pont en bois de la journée (il y en a eu déjà 50 avant) et pars pour un nouveau vol plané. Le front contre la planche, je jure et me relève. Il est vraiment temps d'arriver !!!
Je franchis la ligne quelques minutes plus tard, en 4e position, entendant le speaker anoncer que je conserve ma place au général ! Yes !!!! Joie, fierté, soulagement. Je suis allée au bout de ce que j'avais à donner ! Photo souvenir avec les autres filles avant de ramasser en pleine figure le contre-coup de l'effort et de la chute. Je m'écroule, en larmes. 10 minutes de gros sanglots, qui finiront par partir comme ils sont venus. Heureusement pas de quoi vraiment s'inquiéter, sauf peut-être pour ma Maman, spectatrice impuissante de ce gros moment d'émotions.
J'en profite pour la remercier de sa présence à mes côtés durant ces 3 belles journées.
