Une semaine après ma victoire au Grand Raid, mes sentiments sont partagés. Je plane encore un peu et j'ai très envie de faire du vélo dans ce coin de paradis qu'est le Parc National. Surtout sous un soleil radieux. D'un autre côté, je ne suis pas super motivée à me faire à nouveau mal. Je trouve que je mérite largement un peu de répis.
En arrivant à Scuol jeudi après-midi, je remets pour la première fois depuis Grimentz mon arrière train sur un vélo. Les jambes sont étonnament efficaces et après 5 jours sans activité physique, je trouve un certain plaisir à me défouler. Rebelotte le lendemain, avec les mêmes bonnes sensations, malgré une fatigue qui s'installe encore rapidement. Ces deux jours de calme me font du bien. Pour la première fois aussi depuis samedi, l'adrénaline se diffusant progressivement, j'ai à nouveau enfin envie de dormir. Je me couche donc de bonne heure et récupère un peu de cette folle semaine.
3h45 ce matin, le réveil sonne. La routine habituelle, pour un départ à 7h15. Nous traversons sous conduite le magnifique village de Scuol. Je suis motivée. Mais dès le vrai départ et les premiers pourcentage de montée, je me rends compte que ça va être drôlement (ou pas) compliqué. Les jambes tournent, mais la pompe grimpe mal et je n'arrive pas à suivre le tempo du groupe de dames en tête. Elles s'envolent, à 5, et je ne peux que les regarder partir. Je trouve mon rythme et avance tout de même au mieux. La route est déjà très longue en soi (137km), alors autant ne pas trop traîner au début. La première bosse dure un peu plus d'une heure. Au bout d'un moment, je vois que Cornelia est lâchée et que nous revenons progressivement sur elle. Elle n'a apparemment pas non plus tout à fait digéré les efforts du Raid. Nous roulons un moment tous ensemble, avant qu'elle ne lâche progressivement du terrain. Vraiment fatiguée par ces deux courses faites les deux derniers weekend, elle décidera d'abandonner aujourd'hui. Mais ça, je ne le saurai que bien plus tard.
Contente d'avoir fait un joli trou au sommet, je ne perds pas de temps dans la descente. 2e bosse, le coeur n'est toujours pas très rapide, mais la cadence est stable. Et personne ne revient derrière. Nous avons alors fait une quart de la course. Je profite du paysage, j'avance, sans trop trop forcer (pas sûre que j'aurai pu de toute façon). En fait, je fais au mieux, en espérant que personne ne reviendra. Devant, elles sont déjà bien loin. Au bout d'un moment, je réalise qu'il y a devant moi deux suissesses et deux Autrichiennes. Et je vois tout à coup la médaille :-) Et je réalise aussi tout à coup que ça vaut méchamment la peine de me battre. Je me reconcentre un peu et attaque la 3e bosse avec un peu plus de détermination. Descente sur Livigno, puis dernière grosse montée du jour. C'est très raide, aussi lunaire que le Pas de Launa, mais il y a une route qui serpente. Poids plume, je m'en tire bien dans ces gros pourcentages et parviens à rester sur mon vélo alors que la plupart des autres concurrents montent à pied. La vue vers le bas est très dégagée, et je ne vois aucune concurrente à l'horizon. Reste une longue descente et un interminable retour de 50km vers Scuol. C'est très roulant et mieux vaut ne pas être seule. Je descends vite pour ne pas lâcher les deux gars juste devant moi. Nous tenons un rythme d'enfer jusqu'à Zernez. Une petite montée juste pour faire mal aux jambes, et quelle n'est pas ma surprise de voir Cornelia à pied au bord du chemin. Elle m'apprend sont abandon, et me dit surtout qu'Ariana que je croyais devant à perdu un temps énorme pour une raison inexpliquée au début de la course. Elle est maintenant 7 minutes derrière moi. Je m'envole donc incrédule vers une possible médaille d'argent. Reste à ne rien lâcher dans les derniers 30 kilomètres du parcours pour ne pas que quiconque puisse revenir de l'arrière.
Je passe la ligne d'arrivée après presque 7 heures de course. Heureuse et à nouveau très fière. Une deuxième superbe réussite en si peu de temps :-) Avec un peu de chance cette fois-ci je l'admets. Ariana s'est en fait trompée de route dans la première descente. Manquant une bifurcation, elle a perdu 30 minutes, le temps de se rendre compte de son erreur et de remonter. Je suis vraiment désolée pour elle. Elle est vraiment super sympa et méritait cette médaille autant que moi. Mais voilà, c'est le sport !
Et le plus beau moment de la journée ... pouvoir chanter l'hymne national, sur le podium, la médaille autour du coup. Des frissons partout !!!!
