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Championnats du monde marathon

Dimanche 22 septembre 2019 à Grächen, Valais


19e
en 4:18:17

 


Ciel, par où commencer ???

Peut-être par vous dire que cette course est pour moi la dernière de l'année, un des objectifs majeurs de cette saison, la cible que j'ai eu devant moi à l'entraînement depuis des mois déjà. Que d'efforts pour en arriver là !!! Mais tout à été fait au plus juste, je suis sereine. 

Et toute la semaine est dédié à cet événement. 

Lundi, interview avec le Département Fédéral des Sports qui cherche une athlète pour un article sur ces Mondiaux et est touché par mon parcours sportif atypique.

Mardi, départ à Grächen avec une petite pause à Sion pour un article avec Le Nouvelliste

Mercredi, je retrouve le parcours de la course que je connais déjà bien pour y avoir fait 3 jours de reconnaissance à la fin août.

Jeudi, les athlètes, coach, team et familles commencent à arriver de tous les côtés. Je favorise le travail de qualité et la récupération.

Vendredi, repos et magnifique séance photos avec les maillots nationaux.

Samedi, l'effervescence commence, avec un dernier petit entraînement, la prise des dossards, l'organisation des ravitaillements, le nettoyage et contrôle du matériel et l'accueil du fan's club. A 18h, nous nous retrouvons tous sur la place du village pour la cérémonie officielle durant laquelle les athlètes suisses sont invités à défiler et monter sur scène. Tous ne sont pas présents, mais notre délégation à tout de même de la gueule. Une fois terminé, je retrouve Madame la Conseillère Fédérale Viola Amherd pour une petite entrevue et séance photo pour l'article du lundi. J'embarque au passage tous ceux qui veulent se joindre à moi. Et hop, une foule autour d'elle dans le champ :`-) tout simplement !! Souper à l'appartement avec Barbara arrivée la veille et dodo

 

Dimanche, ça y est !!!! ... après une nuit agitée, je me lève à 5h45 pour le petit-déjeuner.

Entre 6h et 8h, je me prépare, déplace ma voiture, rends l'appartement, retrouve Cédric et Laurence Sansonnens qui s'occupent du départ et des ravitos et rejoins le bloc de départ. C'est la première fois de ma vie que j'y amène deux vélos. Un pour l'échauffement et un pour la course. Je vous jure, comme les pros :-) Je sais mes amis tous proches, même s'ils restent discrets pour ne pas me perturber. Plus de 30 personnes ont fait le déplacement pour me soutenir. Un vrai bonheur. 8h45, l'échauffement est terminé, je me change, revêtis mon maillot suisse et attends les instructions du commissaire de l'UCI. Je suis la troisième athlète à être appelée. Le speaker parle au loin, mais je ne l'entends pas. Je suis concentrée sur l'horloge qu'on m'a mise sous le nez. Dans 5 secondes, je peux commencer à avancer. En Suisse, vous dites ... ? Je me dirige gentiment vers ma place, première suissesse, accompagnée des applaudissement et bravos de la foule. Quel souvenir !! Et ça ne fait que commencer. Les autres athlètes nous rejoignent, je sens la masse de coureuses derrière moi. Il reste quelques minutes à patienter. J'enlève ma veste que j'avais gardée pour ne pas trop me refroidir. Les caméras sont partout, les flashs, la musique ... une minute ... Mes neveux et filleuls sont juste en face, perchés sur un toit. Je les salue une dernière fois ... dernières 15 secondes, le pistolet peut retentir maintenant à tout moment, les battements traditionnels de coeur dans les haut-parleurs, tout le monde vibre, et c'est parti.

Je prends le meilleur départ de ma vie. Mon pied se pose à la perfection sur la pédale, je clipe immédiatement et m'élance en tête, aux côtés de toutes ces pro. La bosse commence presque directement. Concentrée et détendue, je tiens bien le choc et reste dans le groupe de tête un bon moment. Nous couvrons les premiers kilomètres à vive allure. Peut avant le début du premier single, les choses s'accélèrent cependant et je perds un peu de terrain. Le groupe s'étire et je me retrouve à l'arrière. Du coup, j'ai un peu de marge visuelle durant tout le passage du bisse, ce qui n'est pas inconfortable. Je fais l'effort vers la fin pour revenir sur le groupe juste devant et me fait un plaisir de passer deux ou trois concurrentes dans la descente. Au retour dans le village, nous sommes toutes un peu éparpillées. Je relance et recolle aussi vite que possible. C'est à la 12e place que je me lance dans la longue descente vers la vallée. 25 minutes de single pour rejoindre le premier ravitaillement. Tout se passe bien, malgré une grosse frayeur lorsque j'atterris fort sur une racine et entends ma jante arrière se plaindre, heureusement sans casse ni crevaison. Ouf ! Nous nous retrouvons en groupe sur la seule portion plate de la course et je ne me fais pas prier pour me cacher dans les roues. Nous passons Ariane Lüthi qui semble à la peine. C'est toujours en 12e position que j'attaque les 15 minutes de montée goudron qui nous mènent proche de Staldenried. Le groupe va à peine trop vite et je me retrouve un peu esseulée avec Isla Short (GBR) et Lotte Koopmans (NED). Je bascule cependant en tête et revient sur Sabine spitz (GER) dans la descente que je connais par coeur.

Le deuxième ravitaillement est tout proche. Je me prépare à y voir Laurence et Cédric. D'expérience, je sais qu'il ne faut cependant pas me débarrasser de mon bidon avant de les avoir vraiment vus. Je me méfie. Lorsque nous sommes passées sur la route principale à Stalden, la circulation était unidirectionnel et pas dans le bon sens pour eux. Pas sûre qu'ils soient déjà arrivés. Et mes craintes sont justifiées ... Personne. Mais ce n'est pas grave. J'ai à manger dans les poches et ma gourde est encore assez pleine. C'est parti pour la plus longue bosse du jour. La relance est difficile et je me refais passer par les trois filles que j'avais aux fesses. Flûte. Je suis seule mais peux enfin prendre mon rythme. La pompe redémarre lentement mais efficacement. Je ne m'excite pas ... certaines souffrent devant. Je passe une Espagnole à la dérive, puis une Colombienne et finalement Nicole Koller. J'arrive première Suissesse à Zeneggen. Yep !!! Aujourd'hui, je ne regarde que devant. Mais au grès des multiples virages passés, j'ai tout de même aperçu Esther Süss (CH) et Ilona Chavaillaz (CH) pas loin derrière. Une question de temps avant qu'elles ne me reviennent dessus. J'avance au mieux. J'ai toujours Sabine Spitz juste devant moi et c'est plutôt encourageant. Même si elle a vieilli, elle n'en reste pas moins multiple championne du monde et médaillée d'or olympique:-) Et c'est la première fois de ma vie que j'ai le temps de voir la couleur de ses chaussettes. Hihihi !!

Nous arrivons à Törbel. Après avoir croisé le car postal , je prends le dernier virage et retrouve l'église en point de mire. Je me réjouis d'y voir une partie de ma famille et amis dans le public. Le regard en avant, j'entends tout à coup des Hop "Allleeeez Flo" juste dans mon dos. Déconcertée, je tourne la tête et vois ma nièce qui me dépasse avec un grand sourire, assise dans la voiture de mon frangin. Ils sont là, pile poil ... Puis mes parents, Michael et Cie, et finalement Damien qui me suit un monstre moment au pas de course, à un rythme légèrement plus soutenu que dans le Pas-de-Lona. Dans les hauts du village, Esther et Ilona finissent par me rejoindre et me dépasser. Mais dans la descente, chacune d'elle loupe un virage et je repasse en tête à toute vitesse entre les chalets. C'est tout simplement splendide. Nouveaux encouragements de mes proches lorsque nous repassons vers l'église et je poursuis ma route. Je recolle à Sabine dans la partie plus vertigineuse. Le chemin est trop étroit et le ravin trop profond pour espérer passer. Ilona est dans ma roue. Nous prenons notre mal en patience. Chemin forestier plus large, je passe. Quelques centaines de mètres de montée goudron, nous nous tirons la bourre. Je bascule en tête à Embd et prends bien soin de fermer la porte à tout nouveau dépassement. Du coup, je reste devant pour la descente single la plus technique du parcours. Une succession de virages serrés surplombant le vide. Quel plaisir. Encore une fois, je connais chaque mètre par coeur, y ayant passé au moins 10 fois en reco et je m'éclate. Très à mon affaire, je reviens sur Short et Sheppard (NZL). Ilona est avec moi. Nous arrivons à Kalpetran. A ce moment-là de la course, après 2h36 de route, je suis 9e. Moi, petite Flo, arrivée si tard dans le sport et le vélo, je n'ai que 8 filles de niveau mondial devant moi. Quelle émotion lorsque Bernard, posté au bord du chemin, me l'apprend. Quoi qu'il advienne durant la fin de parcours que je redoute, la performance est déjà là.

C'est le coeur léger que je repars en direction de St-Niklaus sur un chemin irrégulier et souvent très raide. Ces portions sans rythme sont difficiles pour moi, mais je m'accroche, même si je repasse en 12e position. Voilà plus d'une heure que j'ai eu mes premiers débuts de crampes, dans les hauts de Zeneggen. La situation s'empire au fil des kilomètres. Je prends un magnésium au dernier ravito en espèrant éviter la catastrophe. C'est au tour de mes parents et de Damien de m'escorter sur une centaine de mètres dans leur voiture. J'avance toujours ... Ouf. Seule au fond de la dernière bosse j'aperçois Short au loin. Je reviens petit à petit. La pompe à redémarré, mais mes jambes tournent de moins en moins brond. Et d'un coup, je touche le fond. Tout fait soudainement si mal. J'ai peur d'aggraver mes crampes, mais il faut que quelque chose change. Alors je prends un boost de caféine et serre les dents de plus en plus fort. Calderon (COL) me passe mais je bouffe Short qui est bout du rouleau, et j'ai secrètement toujours espoir de finir au pire 14e et battre ma meilleure place de 2016. Pour la première fois de la journée, de plus en plus dans le dur, je commence à regarder derrière. Je fais tout ce que je peux. Je pense au travail, à Bernard, à tous ceux qui m'attendent en haut, à ma fin de carrière que je veux belle, et je ne lâche rien. Malgré tout, Sommer (AUT) me passe comme un avion, puis c'est au tour de Koopmans (NED), Süss, Fischer Egusquiza (ESP) et Lüthi. Je refuse de me décourager. Un coup de pédale après l'autre, je grimpe et atteins le portage. 10 minutes de marche. A l'entraînement, j'en ai fait la moitié sur le vélo, mais là, je ne peux même pas l'imaginer. Au sommet, il reste 10 kilomètres. Les premiers sont roulants et me permettent de souffler, sans pour autant traîner. J'ai tellement hâte d'y être. Je traverse Grächen. Tout le monde est là ... enfin, je crois ... parce que j'entends plus que je ne vois. Une dernière bosse, mètre après mètre, encore Schneider (GER) et Ziolkowska (POL) qui m'enfument. Ca commence à bien faire. Je vois le bisse au loin et le rejoins juste avant que Stenerhag (SWE) ne me rattrape également. Je n'ai plus les idées très clairs, oublie bêtement un piège du chemin et me retrouve à faire un périlleux par dessus le ruisseau, heureusement sans mal. Mais Stenerhag passe. Flûte :-( J'ai des fourmis dans les lèvres et le visage. Le chemin est plat et il ne reste que 4 kilomètres. Je donne ... encore et encore. Ce n'est pas aujourd'hui que je lâcherai quoi que ce soit. Je refais un passage inattendu dans le ruisseau et me force à respirer un bon coup avant la petite descente finale. Rien de méchant, mais largement de quoi se faire mal tout de même en cas de chute. La suédoise n'est pas à l'aise. Je la repasse, Calderon est en vue. Du plat, je n'ai pas les watts, Stenerhag reprend les devants. Calderon zigzague au loin, je suis bloquée par la Suédoise dans le dernier single. Re-flûte. Malgré tout, nous revenons les deux sur la Colombienne. Dernier virage, elles se loupent les deux et se retrouve du mauvais côté de la barrière. Je ne demande pas mon reste et mets tout ce qu'il me reste d'énergie dans le sprint final. Mon dieu, ce que 200 mètres peuvent être longs. Je ne résiste pas à la puissance nordique mais ne fonds cependant pas sous le soleil Sud-Américain. Exténuée, sonnée, mais heureuse et fière, je m'écroule sur le guidon de mon vélo, à une merveilleuse 19e place finale. Avant de partir, je visais 14, me refusant d'être déçue si je terminais dans les 20. Donc mission accomplie ! Je n'en sais encore trop rien à ce moment-là parce que j'avais d'autres chats à fouetter que de compter, mais je savoure la beauté du moment, puise des forces dans la présence du public nombreux, et partage la joie de mes proches.

S'en suivent ... accolades, journalistes, autres participants qui arrivent, partages, champagne, ... des heures de simple bonheur quoi !!!

Et surtout des émotions partagées qui laisseront des traces pour de longues années.

 

Un merci sans limites :

  • A tous mes proches qui ont fait le déplacement pour cet évènement. Vos encouragements valent de l'or.

  • A ceux qui m'ont soutenue à distance. Les bonnes ondes ne doivent jamais être sous-estimées 

  • Aux autres concurrentes. Vous m'avez poussée dans mes derniers retranchements. 

  • Aux organisateurs, officiels, bénévoles et médias. Votre travail rend ces aventures possibles.

  • A Jérémy, Carole et Crystel. Vous m'avez aidée à être à chaque passage plus à l'aise sur ce terrain scabreux

  • A Scott et aux Cycles Prof. Une bécane sans faille

  • A Iris - Fruits de Martigny et Essento. Le plein de vitamines et protéines au quotidien.

  • Et pour finir en beauté, à Bernard Maréchal, mon entraîneur et ami. Sans toi, je n'aurais jamais même rêvé d'en arriver là.

 

Et si je devais mettre un terme aujourd'hui à ma carrière de sportive licenciée, ça serait avec le bonheur d'une page de vie réussie et la fierté du chemin parcouru durant ces 10 dernières années.

Mais donnez moi encore un temps de récupération et de réflexion avant que je puisse décider en toute sérénité :-)

 


Avant
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Pendant
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F Darbellay 2019 Grachen b 03
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Après
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