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Grand Raid

Samedi 21 août 2021 d'Evolène à Grimentz, Valais


1ère dame
en 2h39'51''


23h samedi soir, je finis par m’écrouler. Quelques petites heures plus tard, me revoilà réveillée, le cerveau et le coeur en ébullition. Mais comme personne ne m’en voudra d’être fatiguée en ce dimanche, j’en profite pour coucher ces quelques mots sur le papier.

Grand Raid  3 - 1 - 1 - 6 - 3 - 2 - 3 - 1 - 3 - 1 - // - 1. Douze ans d’une histoire qui s’est écrite à la force des mollets. Onze épisodes d’une épopée magique, charnière centrale d’une carrière sportive tout simplement réussie.

Laissez-moi vous conter cette dernière édition dans laquelle je me suis lancée avec deux objectifs en tête :
- Remporter la course pour inscrire ce 4e départ à mon Palmarès et réaliser la Passe de 4
- Battre le record du parcours établi par Valérie Randin en 2015 avec le temps de 2h43’

Tout commence jeudi. Après avoir terminé une demi-journée de travail à Martigny, j’enfourche mon vélo pour une petit entraînement de récupération. J’ai 1h30 à 2h au programme. Longueur parfaite pour me rejoindre tranquillement le domaine des Iles à Sion et y rencontrer Christophe Spahr et Sacha Bittel du Nouvelliste. Le dictaphone enclenché, nous parlons librement, j’ai confiance, le texte final sera juste et approprié. Un sirop grenadine, une séance photos et je repars en sens inverse, moitié moins vite, la faute au vent. Les jambes sont un peu dures mais il reste du temps pour retrouver de bonnes sensations. Je termine la journée en allant déposer du matériel chez mon frère et Benoît qui seront sur le parcours le samedi.

Vendredi, tout s’enchaîne bien. Je vaque pour ne pas trop stresser, prépare mon matériel, me détends les jambes une heure sur mon rouleau avant de me rendre à Sion pour le dossard. J’y retrouve une belle ambiance de fête. Après une édition 2020 supprimée, je ressens beaucoup de joie. Les gens semblent simplement heureux d’être là et de retrouver un peu de normalité. Trois de mes neveux me rejoignent pour participer à la course des enfants sur la Place de la Planta. Je suis très sollicitée et me fais une joie de répondre à toutes les demandes. Alors entre les encouragements à Clémentine, Louis et Alice, je glisse un interview, un téléphone, une levée de drapeau … je signe un autographe, retourne des sourires et me nourris de mille encouragements.

19h, il est temps de rentrer. Je règle les derniers détails avec les gens qui m’aideront le lendemain, finalise la préparation de mon vélo, mange un peu et m’allonge vers 21h. J’essaie de dompter mon excitation avec un peu de sommeil, mais ce n’est pas une grande réussite. Pas grave, je tiendrai le coup et dormirai les jours plus tard.

4h, le réveil sonne. Je mange tranquillement mon petit-déjeuner (nouille de riz), bois un ou deux cafés, retrouve mes parents qui me mènent depuis 2010 sur tous les départs du Raid et nous prenons la route pour Evolène. A 6h40, je grimpe sur mon destrier pour une échauffement d’une trentaine de minutes. Mes roues de rechange étant éparpillées sur le parcours, je n’en ai plus pour le rouleau. Je tournicote donc simplement sur les routes du coin en attendant que ma pompe s’active progressivement. 6h15, je rejoins le départ. Je ne suis pas en avance, comme d’habitude et me fraie un passage dans un peloton déjà bien fourni. Mais le gens semblent tous me connaître et c’est sans difficulté que je me retrouve aux avant-postes. Par contre, je suis au centre de la route. Pas moyen d’appuyer mon vélo contre une barrière. Je le confie donc aux bons soins de mon voisin, le temps d’une dernière visite au « petit coin ». Quand je ressors, j’ai par surprise encore gagné quelques rangs. Tête d’affiche, je me retrouve en deuxième ligne, seule dame derrière 6 garçons prêts à en découdre. Ca risque bien de partir vite :-) Le speaker me dit bonjour, rappelle à tous mon titre de championne d’Europe master gagné ici-même deux mois plus tôt et me souhaite une belle course. Je suis nerveuse, mais étonnamment sereine. Tout à été fait, il ne me reste qu’à finaliser. Dans moins de 3 heures, je serai déjà arrivée.

Le décompte résonne encore dans ma tête lorsque nous nous élançons sur la route principale d’Evolène. Comme attendu, un petit groupe prend rapidement les devants. Je suis cependant surprise de les voir assez vite ralentir. J’ai l’habitude de courir avec l’élite et de ne voir que leur talons. Mais ceux qui partent pour s’imposer sur le parcours des 37 kilomètres sont souvent jeunes et la tâche à accomplir doit leur sembler impressionnante. Pas d’excitation donc … chacun trouve son rythme. Il y a une vingtaine de participants devant moi et pas foule juste derrière. J’entends un seul souffle. Je me retourne pour me rendre compte qu’il s’agit de Mathilde Laurent, une des concurrentes que j’avais coché sur la liste de départ. Elle est bien accrochée et il va probablement me falloir batailler. Je place rapidement un ou deux changements de tempo pour voir. Cela ne semble pas l’ébranler. Pas grave, il y a du temps jusqu’au somment. Après une dizaine de minutes, elle finit par céder un peu de terrain et je m’installe dans ce bon rythme. Je reviens sur quelques hommes et rejoins Eison où m’attendent Michael, Charline et Christiane. Je suis en 13e position, Mathile 45 secondes derrière moi.

Traversée du village, 5 minutes d’un single pas très roulant et nous débouchons sur la route qui mène à l’A-Vieille. Un tiers de la montée est déjà avalé. Je check ma montre. 42 minutes … je suis dans les temps du record. Pour y rester, je dois maintenant rejoindre l’alpage au pire en 43 minutes. Entraînements et course confondues, je n’ai jamais fait cette portion en moins de 40 minutes et n’ai donc pas l’option de traîner. Je m’attèle à la tâche. 4x 10 minutes à fond, j’ai fait tellement plus en entraînement !!! Coup de pédale efficace, je double quelques concurrents que j’encourage au passage. Ils crochent un moment puis finissent par lâcher, confirmant au passage que je monte bien. La première portion est avalée, puis deux, la rivière, la barrière, la croix … Je connais chaque virage de cette ascension pour y avoir transpiré des dizaines de fois. La dernière portion est la plus usante. Après une section plane, le chemin reprend une déclivité non négligeable. Mais ayant rejoint le bosquet de pins en 30 minutes, il ne m’en reste qu’au maximum 12 jusqu’au sommet. Temps final de la montée de l’A-Vieille : 40’45. Top !!!

Il est 8h24, je rejoins le ravitaillement toujours dans les temps. Les bénévoles et gens présents m’encouragent, je me marre intérieurement en passant près du gril à cochon à cette heure encore froid, et m’élance sur le sentier d’approche de ce très cher Pas de Lona. Pas moyen d’aller plus vite que tant sur cette portion du parcours. Il me faut simplement rester concentrée pour ne pas trop poser le pied. Une cinquantaine de mètres en poussant, puis à nouveau sur mon vélo, je salue Damien qui m’attend un peu plus haut. Fidèle au poste depuis toutes ces années, il sait que nous irons cette année plus vite, et nous nous réjouissons les deux de ce nouveau défi. Mon enthousiasme est d’autant plus grand qu’il est cette fois accompagné de mon frère, posté un peu plus haut, à l’affût de la concurrence. Au début, Damien trotte à côté de moi. Nous sommes tellement rôdés. Au pied du mur, à peine je pose pied qu’il prend mon bidon et commence à me montrer la meilleure voie. Ma foulée est efficace, ma motivation au beau fixe. Il m’annonce 5 minutes d’avance à l’A-Vieille sur Mathilde. Mais je ne l’entend qu’à moitié. Je suis concentrée sur mon effort. Pas question de m’arrêter, dans une heure je serai déjà arrivée. Je marche, je coure, je marche, je saute. Damien qui se retourne « Tiens … tu as pris un raccourcis :-) » Le premier tiers est passé, Cédric est un peu plus haut, sa silhouette se découpant telle une sentinelle dans le soleil levant. Et plus haut, l’arche qui se dessine dans le ciel… Nous le rejoignons. Caméra au point, il immortalise l’instant. J’en bave mais savoure tout de même le moment. Je m’attends à être rassurée en recevant confirmation que personne ne me talonne, mais j’avais finalement trop d’avance pour que ça vaille la peine de surveiller. Bon … je lui demande quand même de bien regarder !!! Stressée vous dites la fille ? Je ne peux malheureusement pas m’en empêcher ;-) Encore quelques minutes à souffler, m’accrocher, m’encourager, une cloche qui sonne, dernier gros caillou, le booster, les 50 mètres moins raides, le public encore relativement peu nombreux, le regard au sol dans les dernier efforts, pâtes de fruit annuelles importées directement de Bâle et c’est le premier bout de descente direction la victoire. Nous avons battu notre record, j’ai 12 minutes d’avance sur Mathilde et suis toujours largement dans les temps d’un bon chrono.

Je file. Le basset, tout le monde en parle, mais au final, c’est une ligne droite, un virage, une ligne droite, 3 virolets, et une dernière portion de 100 mètres bien raide. A peine plus de 10 minutes, avec Florence qui m’attend au sommet. Ses encouragements raisonnent tout au long de cette ultime montée. Je me retrouve au sommet de la bosse en 2h10’. En 2019, j’ai dévalé la pente jusqu’à Grimentz en 28 ou 29 minutes. J’en ai 32 devant moi pour battre le meilleur chrono. Trois minutes de marge qui me permettent d’être sereine. Il me suffit de rester hyper concentrée pour ne pas partir à la faute et commettre l’irréparable. Mais je sais où je mets mes roues, et je rejoins sans encombre Benoît et Tom qui m’attendent avec les roues de secours au barrage de Moiry. Je les passe en coup de vent, juste le temps de voir leur sourire et de m’entendre dire que je suis toujours en avance. Trop bien. Les zigzag, la rivière, le pierriers. Je tiens mon guidon très fort. Au passage du pont, un oeil à ma montre, 2h37, ça va le faire :-) Je parle une dernière fois à mon vélo, lui confirme qu’on a fait du bon boulot, avale le dernier kilomètre et franchis la ligne en 2h39’51’’. Missions accomplies

Après … joie, larmes, soulagement, … famille, amis, Bernard, … médias, champagne, podium, … bravos, accolades et émotions partagées. Toutes les clés d’une journée littéralement extraordinaire !!!

MERCI LA VIE



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